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Verhaeren (Emile, 1855 – 1916)

Toute la Flandre.

 

 

Émile Adolphe Gustave Verhaeren (1855 - 1916), poète belge flamand, d'expression française.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

XIXème siècle.

Mémoires.

Amours enfantines.

Emile Verhaeren, par Theo van Rysselberghe.

 

 

Liminaire.

(...)

Je me souviens du vieux cheval

De la vieille guimbarde aux couleurs fades,

De ma petite amie et du rival

Dont mes deux poings mataient la fièvre et les bravades.

(...)

 

 

 

(...)

Les Tendresses premières.

 

Ardeurs naïves.

 

J'entends là-bas sa voix sa voix...

Oh ! la petite amie espiègle et blonde

Qui s'en alla, vers l'autre monde,

Toute fragile, alors qu'elle ni moi

Ne soupçonnions encor

Ce qu'est la mort.

Un jour on m'assura qu'en des pays d'étoiles

Elle s'était perdue, avec des voiles

Et des roses entre ses doigts petits ;

Son image resta fixée en mon esprit

Si belle,

Que tout mon coeur partit avec elle.

Je conservai longtemps son souvenir pieux

Dans mon étroit livre de messe ;

On y lisait la bonne promesse

De se retrouver tous aux cieux

Et c'est ainsi que fis plus douce connaissance,

Grâce à sa mort, avec la Vierge et le Bon Dieu !

 

Depuis – oh ! que de morts et de naissances

Et que de gens défunts – ses parents et les miens –

Et le curé de Marikerke et le gardien

Du tir à l'arbalète où nous allions ensemble !

Oh ! ma petite amie, as-tu appris,

Là-haut, qu'en la drève du nord, le tremble

Fendu d'éclairs a refleuri ?

Que les vieilles maisons du Bril sont abattues,

Avec leurs ors et leurs statues,

Qui se miraient et remuaient dans l'eau

Et semblaient vivre dans l'Escaut ?

As-tu entendu dire

Que, dans l'île de Saint-Amand,

Un héron grand comme un aigle d'Empire

A fait son nid, superbement ?

As-tu senti mon ombre, sur ta tombe,

L'été dernier, lorsque j'y suis passé ?

Sais-tu que les colombes

De l'hôpital ont traversé

La plaine et se sont rencontrées

Pour faire un nid nouveau, au bout de la contrée ?

 

Je ne sais plus, hélas, que vaguement

Comment étaient tes yeux charmants

Et ton tranquille et fin sourire.

Mais ce que j'aime à doucement te dire

C'est combien je t'aimais,

Non seulement pendant que je jouais

Avec ton arc et ta toupie

Mais vers le soir, quand j'étais seul tapi

Entre mes draps et que je m'endormais.

Je me souviens t'avoir alors

Si doucement serrée et embrassée,

Avec les bras et les lèvres de ma pensée

Que j'en frissonne encor ;

La lampe était ton front et l'édredon ton corps

Et le coussin ta joue

Et cet amour premier se noue

Aux guirlandes les plus belles de ma mémoire.

 

Je me souviens aussi de cette histoire

Où deux enfants, les doigts unis, mouraient

D'un même coup de hache, un soir, dans la forêt,

Et je voulais mourir ainsi, et je voulais

Dormir ainsi, avec toi seule,

Loin du monde, sans qu'on le sût jamais.

 

 

De ceux que nous avons connus, c'est ton aïeule

Qui me parle le plus souvent,

Avec son coeur et son esprit fervents,

Des ans inoubliés qui furent notre enfance.

 

(...)

Oh ! les bons souvenirs et comme ils me refont

Une tendresse et un bonheur mélancoliques ;

O mon âme, voici tes plus douces reliques,

Voici, dans ton repli le plus profond,

La plus frêle des fleurs de rêve,

La plus douce des fleurs d'amour,

Qui se réveille au jour

Et vers tes larmes se soulève !

 

                     

                                                                              Emile Verhaeren, Toute la Flandre.

                                                                              Document électronique récupéré de http://abu.cnam.fr/ © 1999 Association de Bibliophiles Universels.

                                                                              Paris, Mercure de France, M.CM.XX.

                                                                              Et également : Oeuvres de Emile Verhaeren, Tome VIII.

                                                                              Paris, Mercure de France, MCMXXXII.

 

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